vendredi 28 avril 2017

“La Beauté sans pareil de l’acte de miséricorde et de pardon”

Interview  dans la Revue “Reflets” du 29 Mars 2016 de H.Nur ARTIRAN, Présidente de la Fondation internationale  Şefik Can  de l’Enseignement et de la Culture Mevlânâ Rûmî,  par Christian et Thérèse ROESCH . 





Pouvez-vous tout d’abord nous expliquer la racine étymologique des concepts de “miséricorde et de pardon” et la manière dont ces concepts sont utilisés dans l’Islam ?

Le concept de “miséricorde” a pour racine étymologique le mot arabe “reheme” et signifie “prendre en pitié, montrer de la commisération, de la compassion, pardonner”. Les attributs du Créateur Suprême “Rahman” (“Le Miséricordieux”) et “Rahim” (“Celui qui fait miséricorde”) ont également la même racine étymologique, et par voie de conséquence, le mot “merhamet” (“compassion”) a le même sens que le mot “rahmet” (“miséricorde”), et apparaît à cent quatorze reprises dans le Coran. Alors que les versets coraniques qui ont directement trait à “l’acte de pardonner” sont au nombre de deux cent trente-quatre, ceux qui concernent le “fait de châtier” sont au nombre de cent dix-sept. En d’autres termes, le concept de “faire acte de pardon” tient dans le Coran une place bien plus importante que celui de “châtier”. 

En outre, l’un des Noms de Dieu qui est le plus répété dans le Coran est celui “Gafûr” qui signifie “Celui qui pardonne”. Tandis qu’il est dit dans un verset coranique : “Ô Muhammad ! Fais savoir à Mes serviteurs que Je suis Celui qui Pardonne, le Très-Miséricordieux !”, le verset 107 de la sourate Les Prophètes énonce en faisant référence au Prophète Muhammad :“ Nous t’avons seulement envoyé comme une miséricorde pour les mondes.” C’est-à-dire : ‘ Nous t’avons envoyé comme un prophète faisant preuve de miséricorde, de compassion, d’amour et de pardon envers tous les êtres créés.’ Ainsi, dès lors que l’on appréhende les concepts de “miséricorde et de pardon” dans une perspective islamique, il est possible de percevoir directement ou indirectement dans les versets coraniques cet appel Divin et de ressentir toujours ce sentiment humain dans les profondeurs des versets. 

Un jour, David demanda au Créateur suprême : ‘Pourquoi as-Tu crée ce monde et les hommes’. Dieu répondit : “J’étais un Trésor caché, J’ai voulu être connu et être aimé”. Ainsi, tout le “secret” de la manifestation de l’univers et de l’humanité est dissimulé dans cette sentence Divine: “J’étais un Trésor caché, J’ai voulu être connu et être aimé”. Il convient de chercher et de trouver le fondement de la pensée islamique, sa réalité intérieure et son essence dans ce “Trésor caché”. Notre Seigneur veut être connu, mais Il veut être connu en étant aimé et non pas en étant craint ! C’est là un point fondamental et profond. Autrement dit, le premier pas de la connaissance de Dieu et de la proximité avec Lui est de L’aimer, et partant, de faire preuve d’amour, de respect, de compassion et de miséricorde envers tous les êtres qu’Il a crée. Tant que nous n’aimons pas tous les êtres créés par Dieu et que nous ne faisons pas preuve de respect à leur endroit conformément au but de leur création, il est absolument impossible ni d’aimer Dieu et Ses prophètes, ni de comprendre véritablement le Livre révélé, ni même d’incarner dans notre vie convenablement ce que nous avons compris. Dans l’un de ses distiques, Mevlânâ dit : “La science de la connaissance de Dieu n’a été octroyée qu’aux amoureux de Dieu, et non à ceux qui sont intelligents”. Cela veut donc dire que nous ne pouvons posséder de l’amour, de la compassion et de la miséricorde envers les créatures de Dieu qu’à proportion de l’amour Divin qui habite notre cœur.

Sans nul doute, le facteur essentiel d’une vie vécue humainement réside dans le fait d’être doué d’amour, de compassion et de miséricorde. En outre, c’est d’être à même, lorsque les circonstances l’exigent, de s’éloigner des ressentis et des pensées négatifs de nature infernale tels que la haine, la colère, la concupiscence, la jalousie, l’inimitié, et d’être celui qui pardonne, qui aime et qui protège. C’est là, en effet, la voie et la parole de tous les prophètes et non pas seulement celle du Prophète Muhammad. Prétendre le contraire, c’est ne pas comprendre le sens profond des messages divins des prophètes.  

Vous dites que l’amour, la compassion et la miséricorde représentent la voie et la parole de tous les prophètes et non pas seulement celle du Prophète Muhammad ? Comment peut-on dès lors expliquer cette négativité ambiante qui a cours dans notre monde ? 

Tous les prophètes, depuis Adam jusqu’à Muhammad, n’ont eu de cesse de montrer à leur communauté la voie du bien et du beau en leur parlant de l’unité de l’humanité, de la fraternité, de la paix et de l’indulgence. Le véritable problème ne réside ni dans la religion, ni dans les prophètes, ni dans le système de croyance qu’ils s’évertuèrent de diffuser. Le véritable problème réside dans leur communauté incapable de comprendre véritablement leur prophète; l’imperfection tire sa source dans les pensées et les conceptions des hommes qui comprennent de manière erronée et déficiente leur religion. Si toutes les communautés avaient pu comprendre pleinement leur propre prophète et vivre tel qu’ils l’ont souhaité, il va de soi qu’il n’y aurait pas eu en ce monde tant de haine, de colère et de guerres. Dès lors qu’on analyse la racine profonde des guerres, on peut aisément se rendre compte que tous ces événements inhumains ne sont rien d’autre que des querelles de religion et de pensées. Pourtant, tous les prophètes enjoignent de respecter de manière absolue les droits d’autrui, leur mode de vie et de croyance. Jésus exprima cette même idée lorsqu’il s’adressa à sa communauté en ces termes : “Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ?”  “Vous avez entendu qu’il a été dit : tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi.Mais moi, je vous dis : aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent” (Matthieu, 43-44). A l’instar des prophètes, tous les saints n’ont eu de cesse de semer en ce monde les graines d’amour, de respect, d’amitié, de fraternité et d’unité. Du reste, il est inimaginable de concevoir différemment ces êtres d’exception qui sont dotés de la foi véritable. Il est inconcevable que ces êtres, qui vivent à la lumière de ces vérités Divines intemporelles, puissent avoir des problèmes avec quiconque, et ce quelque soit par ailleurs leur religion et leur mode de pensée. 

Par ailleurs, le concept de “foi” revêt un caractère primordial dans tous les systèmes de croyance. Toutes les religions révélées reconnaissent l’existent de la mort et de l’au-delà, et partant, du paradis et de l’enfer. En général, le but ultime poursuivi par les adeptes de la religion est d’entrer au paradis et d’éviter l’enfer. On pourrait, bien évidemment, se demander dans quelle mesure une telle piété est pertinente, mais c’est là un tout autre sujet ! Cependant, nous souhaitons insister avec force sur un hadîth du Prophète Muhammad : “Vous n’entrerez pas au paradis tant que vous ne croirez pas, et vous ne croirez pas tant que vous ne vous aimerez pas. ” On peut aisément se rendre compte que le préalable de l’entrée au paradis réside dans l’amour et le le respect des uns envers les autres. Il s’ensuit donc que celui qui aime les autres, qui les pardonne, et qui fait preuve de respect envers leur mode de vie et de croyance est doté de la “véritable foi”. 

Dans ce contexte, y-a-t-il des différences d’approche entre les religions sur ce point ? Que pouvez-vous nous dire sur la foi des musulmans envers tous les prophètes et les Livres qui leur furent révélés ?

Le système de croyance Seigneurial qu’on nomme “religion” représente uniquement le bien, le beau et le juste. A l’image des êtres, la religion est également amenée à naître, à croître et à atteindre au cours du temps un degré de perfection ultime. Ainsi, la miséricorde, le respect et l’amour qui sont dus envers les êtres créés dans le cadre de la “religion” ont atteint leur apogée avec l’Islam. C’est la raison pour laquelle le Prophète Muhammad a dit : “J’ai été envoyé afin de parachever les nobles caractères de l’homme.” C’est-à-dire : ‘J’ai été envoyé en tant que prophète en vue de parfaire toutes les beautés Divines préexistantes !’ Si l’on examine les choses en toute objectivité, sans préjugés, et en étant mû par des pensées et des ressentis purs, on pourra voir sans grande difficulté, tant dans les versets coraniques que dans les dits du Prophète que la miséricorde, le pardon, l’amour et le respect d’autrui ont toujours été au premier plan. Car les lois Divines que nous appelons “religion” n’ont de sens que si elles nous servent à incarner dans notre vie la justice, l’amour, la compassion, la miséricorde et l’unité absolue dans la multiplicité. Dieu est “un” et Il veut voir les serviteurs qu’Il a créé dans cet état d’unité, “d’Unicité divine ”. C’est pourquoi la dualité n’est acceptée par aucun système de croyance. La religion n’est nullement la propriété des prophètes, mais celle de DIEU. Les prophètes, quant à eux, ont la responsabilité de diffuser sur terre les nobles commandements Divins qui émanent de Dieu. C’est pourquoi la personnification des religions et la discrimination opérée entre les prophètes sont le propre des gens ignorants ; c’est là une manière erronée de concevoir les choses. Il importe également d’admettre que la religion n’est nullement un but en soi, mais un moyen Seigneurial en vue d’atteindre ce qui est le meilleur, le plus beau et le plus juste. “L’essence” et la “réalité intérieure” de la religion est une. Ce qui semble à première vue comme une différence ne porte, en fait, que sur l’apparence, la forme, la surface et l’écorce des choses, afin que les commandements du Créateur suprême soient en adéquation avec les conditions de l’époque. Pour cette raison, la sujétion à l’apparence et à la forme du fait religieux est non seulement une forme d’idolâtrie, mais s’avère en plus une cause d’éloignement de l’essence de la religion, et de l’amour Divin du “Maître du Jugement Dernier”. Conformément à un verset coranique, cette situation traduit une ruse du Démon visant à tromper l’homme au moyen de Dieu, et il est extrêmement difficile pour un homme tombé dans ce puits noir sans fond de s’en extraire.

Tandis que le verset 48 de la sourate La Table servie énonce : “Ô Muhammad, Nous t’avons révélé le Livre et la Vérité pour confirmer ce qui existait du Livre, avant lui, en le préservant de toute altération. Juge entre ces gens d’après ce que Dieu a révélé. Ne te conforme pas à leurs désirs en te détournant de ce que tu as reçu de la Vérité. Nous avons donné à chacun d’entre eux une règle et une Loi. Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a fait. Cherchez à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions. Votre retour à tous se fera vers Dieu. Il vous éclairera, alors, au sujet de vos différends.”, il est dit dans le verset 8 de la sourate La Délibération :“Si Dieu l’avait voulu, Il aurait réuni tous les hommes en une seule communauté.” et dans le verset 93 de la sourate Les Abeilles : “Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté. Il vous sera demandé compte de ce que vous faisiez!”. Le verset, ‘Il vous sera demandé compte de ce que vous faisiez’ signifie dans ce contexte, ‘il vous sera demandé compte de la dualité dans laquelle vous êtes tombés’. Car il est dit explicitement, ‘Si Nous l’avions voulu, Nous aurions fait de vous une seule communauté; -c’est-à-dire une communauté pourvue d’une seule croyance - mais Nous ne l’avons pas fait, Nous avons voulu vous éprouver’. Le verset 136 de la sourate La Vache dit la chose suivante quant à la dualité dans laquelle les musulmans tombent sur ce point : “Dites : Nous croyons en Dieu, à ce qui nous a été révélé, à ce qui a été révélé à Abraham, à Ismaël, à Isaac, à Jacob et aux tribus ; à ce qui a été donné à Moïse et à Jésus ; à ce qui a été donné aux prophètes de la part de leur Seigneur. Nous n’avons de préférence pour aucun d’entre eux ; nous sommes soumis à Dieu”. Ce verset montre que la foi des musulmans envers tous les prophètes et les Livres qui leur ont été révélés est une exigence absolue de la religion.

Que faut-il entendre par le fait de revêtir les caractères de Dieu ? Pouvez-vous nous expliquer le lien que ce sujet peut avoir avec “la miséricorde et le pardon” ?

Dans l’un de ses hadîths, le Prophète Muhammad a dit : “Revêtez les caractères de Dieu.”. Qu’est-ce que le caractère de Dieu ? C’est le fait de mener, consciemment et sincèrement, une existence en étant immergé dans les profondeurs du sens spirituel infini de Ses plus beaux Noms. Considéré dans cette perspective, le trait de caractère majeur le plus notable de Dieu réside dans le fait qu’Il est Celui qui pardonne. Pour cette raison, le verset 53 de la sourate Les Groupes énonce : “Ô mes serviteurs ! Vous qui avez commis des excès à votre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu. Dieu pardonne tous les péchés.” Un homme peut donc avoir perdu toute son humanité et avoir dépassé la mesure, mais Dieu dit néanmoins : “Ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu, Dieu pardonne tous les péchés.” On a pu dire qu’il s’agissait là, au sein de tous les Livres révélés, du verset qui donne le plus d’espoir à l’homme et qui montre ostensiblement le Pardon infini de Dieu. Toutefois, face à cette parole qui révèle le pardon illimité de Dieu, l’homme ne doit pas commettre des excès et perdre son humanité en se disant ‘De toute façon, Dieu pardonne tout’ ; il se doit au contraire, comme le dit si bien le Prophète Muhammad, revêtir les caractères de Dieu en faisant montre lui-même de pardon, de compassion et de miséricorde même dans les situations les plus difficiles. Chaque être humain possède immanquablement des défauts, des déficiences et des imperfections. Si nous voulons que nos fautes et nos défauts soient pardonnés par Dieu, il faut à tout prix que nous fassions nous aussi preuve de pardon. De fait, il est inconcevable qu’un homme qui ne sait pas pardonner puisse lui-même être pardonné, ou qu’il soit fait miséricorde à un homme dépourvu de miséricorde. La cause de la révélation du verset 22 de la sourate La Lumière est à cet égard particulièrement significative. Il y est question d’une situation telle qu’il semble à première vue impensable de pardonner. Mais, même en pareille circonstance, Dieu Le Très-Haut dit à Ses serviteurs à l’occasion de cet événement : “Ceux qui, parmi vous, jouissent de sa faveur et de l’aisance ne négligeront pas de donner à leurs proches, aux pauvres et à ceux qui émigrent dans le chemin de Dieu. Ils oublieront et pardonneront. N’aimeriez-vous pas que Dieu vous pardonne ? Dieu est Celui qui pardonne, Il est miséricordieux.” Ce verset nous demande clairement de faire preuve de compassion, de miséricorde et de pardon, tout au moins si nous voulons que Dieu nous fasse également miséricorde et nous pardonne. Dans le verset 44 de la sourate Taha, il est dit à Moïse : “Allez à Pharaon, il est rebelle; adressez-lui des paroles courtoises; peut-être réfléchira-t-il, ou éprouvera-t-il de la crainte ?” Le verset en question fournit une illustration particulièrement éloquente quant à la manière de nouer des relations avec les autres. Il y est dit que l’on doit communiquer d’une manière courtoise et élégante même à l’encontre de Pharaon qui est pourtant allé très loin dans l’infidélité, la rébellion, au point de s’autoproclamer une divinité. Et le verset 34 de la sourate Les versets clairement exposés énonce : “L’action bonne n’est pas semblable à la mauvaise. Repousse celle-ci par ce qu’il y a de meilleur : celui qu’une inimitié séparait de toi deviendra alors pour toi un ami chaleureux”. Tous ces versets expriment d’une manière patente qu’il nous est demandé de réagir aux mauvaises actions par de bonnes actions et de tenter de remédier au mal par l’entremise d’une relation courtoise et élégante. Le Prophète Muhammad a dit à ce propos : “Aidez aussi bien l’homme de bien que l’homme mauvais.” Les Compagnons lui demandèrent alors : “Nous comprenons l’aide que l’on peut faire à l’homme de bien ; mais comment peut-on aider l’homme mauvais ?” ; le Prophète répondit: “En l’éloignant du mal et en l’aidant à devenir un homme de bien .” On pourrait, bien évidemment, multiplier ces exemples. La quintessence de tous ces propos est la suivante :  il convient d’aider les gens en s’efforçant de soulager leurs peines, leurs douleurs et leurs souffrances ; il s’agit de faire don, ne serait-ce que l’espace d’un instant, de bonheur, de paix, d’espoir et de joie. Et le point le plus important, c’est de faire tout cela sans faire aucunement de discrimination entre la race, la langue, la religion et le mode de pensée des gens. 

Pour finir, pouvez-vous nous expliquer comment un être humain doté d’une véritable miséricorde et d’un véritable pardon se doit-il de se comporter ?

De nos jours, toute personne interrogée affirmera, la main sur coeur, qu’elle est remplie d’amour, de compassion et de miséricorde. Si ces sentiments étaient sincères et reflétaient bien un amour, une compassion et une miséricorde véritables, il n’y aurait pas eu en ce monde tant de souffrances, de douleurs et de larmes. Il y a peut-être bien de l’amour, de la compassion et de la miséricorde dans le coeur des gens, mais c’est là un sentiment déficient et infirme. Chacun porte dans son coeur de l’amour, de la compassion et de la miséricorde envers celui qui lui ressemble, envers celui qui pense comme lui et qui partage sa croyance. Est-il concevable qu’un telle compassion et miséricorde égoïstes, unilatérales et intéressées puissent apporter la paix et la joie à notre monde ? Laissons-là le monde ! Est-il même concevable que cela puisse procurer à l’homme lui-même une paix et une joie de l’esprit ? De fait, l’homme sera amené à éprouver en lui-même du bien-être et de la paix à la mesure de l’amour, de la compassion et de la miséricorde qu’il fera montre envers les autres. C’est là une approche foncièrement fausse que de penser que de l’amour, la compassion et le pardon que l’on montre envers autrui est un bien que l’on prodigue à la partie en face. Ces pensées d’humanité procurent d’abord du bonheur et de la paix à ceux qui incarnent dans leur vie ce noble caractère. Car toute pensée ou ressenti négatifs constitue un lourd fardeau pesant sur l’esprit de l’homme. Il est absolument impossible qu’une personne puisse trouver en lui-même la paix, le bonheur et surtout la “liberté” aussi longtemps que ces éléments négatifs ne sont pas dissipés en lui. Ce qui importe, ce n’est pas la liberté du corps, mais celle de l’esprit. Tant que l’esprit d’un homme demeure prisonnier de ressentis tels que la haine, la colère, la jalousie ou encore l’inimitié, il est proprement impensable qu’il puisse éprouver la paix, la légéreté, le bonheur et la liberté véritables. L’amour qui est agréé par le Divin est celui qui consiste à aimer celui qui n’aime pas et à donner à celui qui ne donne pas. A l’inverse, le fait de montrer de l’amour, du respect et de la miséricorde uniquement à ceux qui nous ressemblent, de n’aimer que ceux qui nous aiment et de donner qu’à ceux qui nous donnent ne peut en aucun cas être considéré comme de l’amour et de la générosité. C’est là seulement un échange commercial. C’est pourquoi Jésus a dit dans l’Evangile : ‘Si vous agissez ainsi, quelle différence y-aura-t-il entre vous et les publicains ou les idolâtres ?’. L’amour et le respect sont donnés sans attendre aucune contrepartie en retour. Dans cette perspective, Ali, un des proches du Prophète Muhammad a dit: “Pourquoi attends-tu une contrepartie sous prétexte que tu as fait preuve de respect ou de pardon envers quelqu’un ? Cette attitude provient du respect que tu as envers toi-même. Il est donc inopportun d’attendre une quelconque contrepartie en retour.” Etant donné qu’un tel amour sans contrepartie est le propre du Créateur suprême et des serviteurs qui Lui sont proches, le verset 92 de la sourate Joseph énonce : “Dieu est le plus miséricordieux de ceux qui font miséricorde.”. Car le miséricorde de Dieu n’est nullement une miséricorde égoïste et intéressée. Il s’ensuit donc que l’imitation de l’amour, de la compassion et de la miséricorde est non seulement dépourvue de valeur aux yeux de Dieu, mais, qui plus est, ne contribue ni à notre bonheur et bien-être, ni à celui de la société. 

* Autre interview de H. Nur Artiran dans “Le Monde des Religions: Ici



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